Comment faire pousser des objets dans le potager ?

Cet article est un épisode de ma série sur les techniques de jardinage inhabituelles que je trouve élégantes et inspirantes. Cette série fait partie de mon projet sur l’agroécologie.

Il y a quelques semaines, je visite le Musée du Palais National à Taipei, Taïwan. Parmi de nombreux objets magnifiques de la Chine ancienne, je tombe sur une toute petite bouteille qui m’éblouit…

Au 18e siècle, sous la dynastie Qing, le tabac à priser était très courant en Chine. Alors que les occidentaux stockaient leur poudre dans des tabatières, les Chinois utilisaient des petits flacons. Parallèlement à la popularité de cette pratique, les artisans ont développé des techniques pour fabriquer ces petites bouteilles à partir d’une grande variété de matériaux.

En parcourant l’exposition du musée, j’en vois de nombreux exemples.

Certains flacons à priser sont fabriqués en bambou, en verre coloré, en porcelaine. Certains sont littéralement sculptés dans des minéraux comme l’agate, le jade, la turquoise, le lapis-lazuli. Et même dans de l’ambre et du corail. J’en découvre un en cire d’abeille et un autre sculpté dans une coquille de noix… Tous ces flacons à priser témoignent d’une étonnante créativité artistique et de compétences artisanales très pointues. Vous pouvez parcourir la collection complète sur le site web du musée.

Mais, alors que je poursuis la visite, un flacon attire encore plus mon attention. Il s’agit d’un flacon à priser en… gourde moulée.

Photo d'une gourde moulée du XIXe siècle, exposée au musée national du palais de Taïwan.

Flacon à priser en gourde moulée, photo du musée national du Palais, Taïwan (CC-BY).

Cette toute petite bouteille de 4,5 cm de large et 10 cm de haut, aux formes si sophistiquées, est un fruit de la famille des courges qui s’est développé dans un moule.

Me croyez-vous ?

Regardez, si on regarde sous le flacon, on peut voir la pointe de la gourde, cette tache plus claire et arrondie !

Photo du dessous du flacon en gourde moulée.

Flacon à priser en gourde moulée, photo du musée national du Palais, Taïwan (CC-BY).

Dans l’Histoire, les gourdes ont été utilisées sur tous les continents pour fabriquer des objets, comme des bouteilles d’eau, des bols, des tamis, des abat-jour, des cabanes à oiseaux, etc. Le luffa est une variété spécifique utilisée pour fabriquer des éponges naturelles. Les fruits d’autres plantes, comme le calebassier, ont également été utilisés sous les tropiques pour fabriquer des bassines, des bols, des tasses, des cuillères, des instruments de musique.

Quelle usine idéale pour fabriquer des objets : silencieuse, alimentée par l’énergie solaire, open-source, autoreproductible. La nature, tout simplement.

Dans les exemples que je viens de citer, on fait pousser des objets simples et minimalistes en conservant les courbes naturelles et organiques du fruit. Mais, comme je l’ai réalisé avec ce petit flacon à tabac, il est également possible de faire pousser des objets très sophistiqués à partir de gourdes !

Pour faire pousser des formes aussi complexes, la jeune courge est placée dans un moule en plâtre ou en plastique et, en mûrissant, elle remplit le moule et prend sa forme. Ce qui m’a le plus étonné en voyant cette petite bouteille, c’est à quel point cet artisanat ancien était avancé, il y a seulement deux cents ans, alors qu’il est aujourd’hui presque tombé dans l’oubli.

J’ai trouvé très peu d’informations en français et en anglais sur les techniques de moulage des gourdes. Mais en chinois, on peut trouver plus d’exemples si l’on cherche 模制葫芦 (c’est-à-dire “gourde moulée”). Comme cette vidéo qui montre le démoulage, et celle-ci qui montre différentes formes vendues sur un marché. Certaines personnes revisitent également cet ancien artisanat d’un point de vue contemporain, comme le Gourd Project, qui prévoit de faire pousser des gobelets compostables. Et si vous souhaitez vous lancer dans la culture d’objets avec les gourdes, l’association Kokopelli propose une bonne collection d’une trentaine de variétés !

Pour créer de tels objets, il faut maîtriser le cycle de croissance des gourdes ainsi que la préparation minutieuse du moule. J’aime beaucoup. C’est une sorte de mariage entre le jardinage et l’artisanat !

Si l’on a déjà un jardin, une ferme en permaculture, une forêt comestible, n’est-il pas tout naturel de faire pousser ses propres objets ?


Vous avez apprécié cet article ?

Super ! Alors vous aimerez peut-être lire mes idées sur le façonnage d’arbres, le trognage, pour construire des haies vivantes, des murs vivants, des bacs de compostage vivants !

Vous souhaitez suivre mes explorations ?

Pour partager mes expériences, j’écris une newsletter mensuelle, qui s’appelle mon 🔭 Carnet de laboratoire. J’envoie cette lettre à mes honorables lectrices et lecteurs au début de chaque mois pour les tenir au courant de mes travaux en cours, de mes observations, de mes expériences — espérons-le, élégantes. Je vous invite à vous abonner ci-dessous, c’est la meilleure façon de suivre mes explorations :)

Lettre gratuite, mensuelle, 200+ abonnées et abonnés, désabonnement en 2 clics. Bien sûr, je ne partage pas votre adresse email.

Vous hésitez ? Alors, pourquoi ne pas jeter un œil à mes précédentes newsletters, ou lire les témoignages de mes lectrices et lecteurs !

Lénaïc Pardon
Lénaïc Pardon

Je suis une sorte de chercheur-explorateur. Je suis français, introverti et hypersensible. Je donne beaucoup de valeur à la liberté, la créativité et l’altruisme. Je suis curieux sur à peu près tout, mais j’ai une préférence pour les sujets autour de la sobriété volontaire : permaculture, nature, artisanat, autonomie, philosophie, les mystères de la vie… Plus de détails sur mon travail et ma trajectoire >