Pourquoi mettre en place un troupeau polyspécifique en permaculture ?

Cet article est un épisode de ma série sur les techniques de jardinage inhabituelles que je trouve élégantes et inspirantes. Cette série fait partie de mon projet sur l’agroécologie.

On entend souvent parler des différences entre polyculture et monoculture. Mais qu’en est-il des troupeaux polyspécifiques et monospécifiques ?

Alors que la monoculture simplifie un écosystème, la polyculture se rapproche des écosystèmes naturels en essayant de maintenir une plus grande biodiversité. De même, un troupeau monospécifique de vaches qui broutent un champ est une simplification des écosystèmes où, normalement, une diversité d’herbivores broute dans la même zone.

Un an après notre séjour en Amérique du Sud, mon amie Morgane s’envole pour l’Asie centrale pour son mémoire de fin d’études, afin d’étudier le système pastoral des steppes mongoles, où les bergers élèvent des troupeaux polyspécifiques !

Alors, pourquoi créer un troupeau polyspécifique ?

Dans un article que Morgane a coécrit en 2013 avec deux collègues, elles décrivent la zone d’étude comme une steppe sur un haut plateau semi-aride avec des hivers rigoureux et seulement ~100 mm de pluie par an. Dans de telles conditions, les cultures ne sont pas possibles, mais les Mongols ont développé au fil des temps un système de pâturage nomade qui leur permet de valoriser l’herbe de la steppe.

Morgane et ses coautrices expliquent plus loin dans leur article que les troupeaux des steppes mongoles sont traditionnellement des troupeaux polyspécifiques. Bien que cette diversité ait diminué récemment, on trouve encore des chèvres, des moutons, des vaches, des yaks, des chevaux et des chameaux qui broutent la steppe en coeur. En effet, posséder un troupeau multi-espèces présente plusieurs avantages dans ces conditions naturelles difficiles.

Premièrement, une diversité d’herbivores permet de tirer le meilleur parti des différents types de ressources fourragères. Les moutons et les chèvres sont les plus adaptés pour paître dans les zones escarpées et rocheuses, tandis que les chameaux peuvent voyager loin, sans boire pendant 3-4 jours, et acceptent de brouter la végétation qui pousse dans les marais salés. Lorsqu’elles pâturent dans la même zone, les différentes espèces préfèrent des plantes différentes. Dans ces conditions difficiles, avoir différentes espèces d’herbivores aide l’éleveur à valoriser toutes les ressources disponibles.

Deuxièmement, en cas de perturbations naturelles, comme une maladie, une sécheresse, une vague de froid, chaque espèce réagit différemment. Un troupeau polyspécifique est donc plus résilient.

Troisièmement, les animaux fournissent bien sûr une plus grande diversité de productions, comme le lait, la viande, la laine, le cuir, les animaux de trait, et même le fumier séché faisant office de combustible pour le chauffage et la cuisine ! Toutes ces productions garantissent une meilleure autonomie, mais aussi une meilleure résilience économique, car par exemple, si le prix de la laine de mouton s’effondre, les éleveurs ont d’autres biens à vendre.

Quatrièmement, cela permet de mieux répartir la charge de travail tout au long de l’année, car les pics de travail comme la traite ne se produisent pas au même moment selon l’espèce animale.

Si vous souhaitez approfondir le sujet, un groupe de 18 chercheurs européens a écrit une étude approfondie (en anglais) sur la manière dont l’élevage multi-espèces peut contribuer à améliorer la durabilité des fermes d’élevage.

Je trouve ces systèmes d’élevage polyspécifiques très intéressants, car ils appliquent aux animaux d’élevage ce que l’on entend souvent dire pour les cultures. En imitant la biodiversité des herbivores qui existe dans la nature, les troupeaux multi-espèces peuvent aider à mieux valoriser les ressources naturelles et à accroître la résilience des fermes.

Mais je vois aussi l’élevage polyspécifique comme une sorte de version utopique et plus romantique de l’élevage, dans laquelle on s’imagine une joyeuse famille de plusieurs sortes d’animaux vivant paisiblement ensemble !

C’est pourquoi j’ai pensé à intégrer un mini troupeau polyspécifique dans notre futur jardin forêt expérimental, avec une poignée de poules, quelques moutons et des petits cochons. Pas vraiment pour les manger, mais pour les œufs, la laine, le fumier, leur aide pour le pâturage et l’entretien du terrain, et bien sûr, leur compagnie bucolique.


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Super ! Alors vous aimerez peut-être découvrir mon projet de jardin-forêt expérimental, où je décris le micro-troupeau polyspécifique que je souhaite développer.

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Lénaïc Pardon
Lénaïc Pardon

Je suis une sorte de chercheur-explorateur. Je suis français, introverti et hypersensible. Je donne beaucoup de valeur à la liberté, la créativité et l’altruisme. Je suis curieux sur à peu près tout, mais j’ai une préférence pour les sujets autour de la sobriété volontaire : permaculture, nature, artisanat, autonomie, philosophie, les mystères de la vie… Plus de détails sur mon travail et ma trajectoire >