Comment orchestrer le potager avec des protéodies ?

Cet article est un épisode de ma série sur les techniques de jardinage inhabituelles que je trouve élégantes et inspirantes. Cette série fait partie de mon projet sur l’agroécologie.

Il y a plusieurs années, alors que je travaille dans un centre de recherche en agronomie, à Paris, nous organisons un voyage d’une journée avec une collègue pour visiter un vignoble en biodynamie dans la vallée de la Loire, au sud de Paris. Nous y découvrons une pratique agricole inattendue qui utilise des ondes sonores.

Habituellement, quand on pense à la biodynamie, on pense à la pulvérisation de solutions très diluées sur les plantes. Une technique agricole similaire à l’homéopathie, qui a été développée par l’Allemand Rudolph Steiner au début du 20e siècle. Les vignerons à qui nous rendons visite avec ma collègue préparent effectivement de telles dilutions et les pulvérisent sur leurs vignes. Ils nous invitent à visiter le vignoble, pour voir par nous-mêmes comment la vitalité des plants pulvérisés diffère de celle des plants non pulvérisés.

Mais, alors que nous nous promenons dans le vignoble, quelque chose d’autre attire notre attention.

Non loin de notre sentier, nous distinguons une sorte de boîte cachée sous le feuillage d’un rang de ceps. La boîte semble reliée à une batterie et à un panneau solaire. En se rapprochant, cette boîte s’avère contenir des haut-parleurs pointant vers différentes directions.

Des haut-parleurs, pensé-je ? Essaient-ils de repousser les insectes en émettant des sons désagréables ?

Le vigneron nous explique que les haut-parleurs diffusent en fait une séquence de sons spécifique, qui stimule l’expression de gènes précis dans les pieds de vigne, favorisant leur croissance. Une telle séquence de notes, inhibant ou stimulant l’expression d’un gène spécifique a un nom, on l’appelle une protéodie, une ‘protein-melody’.

Les protéodies ! La musique des protéines.

De toutes mes études, je n’avais jamais entendu parler d’une telle chose ! Pourtant, cette histoire a commencé quand j’étais très jeune, avec Joël Sternheimer, un spécialiste français de la physique quantique et également musicien.

Comme il l’explique sur son site Genodics, Joël Sternheimer s’est inspiré des travaux du prix Nobel Louis de Broglie, qui a énoncé qu’une onde, dite onde de matière, peut être associée à toute quantité de matière donnée. Pour une molécule donnée, il existe une onde de matière avec une fréquence spécifique.

Joël Sternheimer a essayé de calculer les fréquences associées à chacun des 20 acides aminés, les éléments qui forment nos protéines. Il a constaté que ces 20 fréquences peuvent être transposées en 20 notes que l’on peut jouer sur n’importe quel instrument de musique. Alors, pour chaque protéine, il a pu transposer ces séries de notes sur des partitions, créant ainsi des protéodies !

Mais le plus intéressant, c’est que, alors qu’il expérimentait avec ces protéodies, il s’est rendu compte que le fait de jouer la mélodie d’un gène spécifique d’une plante renforçait l’expression de ce gène dans la plante ! Il a ensuite créé son entreprise, Genodics, qui propose des protéodies aux agriculteurs pour soutenir la vitalité de leurs cultures.

Joël Sternheimer a également développé une théorie pour tenter d’expliquer comment une onde sonore peut se traduire en onde de matière dans les êtres vivants, puis comment elle peut influencer l’expression des gènes.

Il est intéressant de noter que certains chercheurs considèrent ses travaux comme de la “pseudo-science”, car ils n’ont pas été publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture. Si, comme moi, vous vous aventurez souvent aux frontières de la science avec curiosité, vous savez déjà que c’est un phénomène très courant. Alors qu’un chercheur affirme avoir découvert quelque chose et a déjà lancé une entreprise basée sur cette découverte, d’autres chercheurs affirment que cette découverte est pseudo-scientifique et que l’entreprise est une arnaque.

Une telle situation peut être très perturbante, car, soudainement, on réalise que l’on ne peut plus se fier à la connaissance scientifique que l’on croyait unifiée et consensuelle. On se rend compte que la science n’est rien d’autre qu’un phénomène social, avec des gens qui essaient de faire du bon travail, mais aussi des conflits d’intérêts, des hiérarchies, de la politique, de la compétition, des alliances, des contradictions, et tellement d’incertitudes. Mais cette prise de conscience est formidable, car elle nous oblige à reprendre nos responsabilités, à cesser de faire aveuglément confiance aux experts, à enquêter, à construire nos propres opinions et à prendre nos propres décisions.

Donc, pour l’instant, si notre décision est de faire confiance au travail de Joël Sternheimer, cela signifie qu’en matière de jardinage, le son est important !

Photo d'une radio vintage entourée de légumes dans un potager.

Ma tante me dit souvent qu’elle parle à ses plantes. Depuis quelques années, je chante de ma meilleure voix en jardinant.

Et puis, quand je dis dans notre projet de jardin-forêt expérimental que j’aimerais inviter des artistes à donner des concerts sous les arbres, commencez-vous à percevoir que ce n’est pas seulement parce que je suis un gentleman romantique ?

Au contraire, voilà une intention tout à fait intéressée !

Une troupe de musiciennes, jouant au milieu de nos arbres fruitiers ? Une fertilisation musicale gratuite pour nos légumes ? Merveilleux, venez jouer !


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Super ! Alors vous aimerez peut-être lire mon autre épisode sur l’effet de la méditation sur la croissance des plantes.

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Lénaïc Pardon
Lénaïc Pardon

Je suis une sorte de chercheur-explorateur. Je suis français, introverti et hypersensible. Je donne beaucoup de valeur à la liberté, la créativité et l’altruisme. Je suis curieux sur à peu près tout, mais j’ai une préférence pour les sujets autour de la sobriété volontaire : permaculture, nature, artisanat, autonomie, philosophie, les mystères de la vie… Plus de détails sur mon travail et ma trajectoire >